La politique du bilinguisme dans le Canton de Fribourg/Freiburg (1945-2000)
Bernhard Altermatt
Au milieu du XXe siècle, Fribourg/Freiburg, bilingue depuis sa fondation en 1157, vit de manière très inégalitaire son bilinguisme historique. Depuis les bouleversements politiques de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, la communauté germanophone souffre d'une discrimination et d'une impuissance qui alimentent un réflexe minoritaire. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale que les premiers représentants de la minorité alémanique et de la majorité romande prennent conscience du bilinguisme historique et de la faible prise en compte de cet élément constitutif de l'identité cantonale.
S'ensuivent cinquante ans de réformes linguistiques constantes, pas toujours faciles, parfois innovatrices, généralement peu spectaculaires, mais malgré tout efficaces. Tout d'abord, les rapports entre majorité et minorité linguistique sont placés sous le signe d'une plus grande égalité. Dans certains domaines, notamment au niveau scolaire, cette évolution entraîne paradoxalement une distanciation des deux communautés. Dans le dernier quart du XXe siècle, une deuxième série de réformes linguistiques cherche à renverser cette tendance en renforçant les échanges entre les groupes linguistiques et en encourageant explicitement le bilinguisme.
Dans ce livre, l'auteur décrit de manière détaillée le processus qui conduit Fribourg, jusqu'à l'aube du XXIe siècle, d'une situation linguistique marquée par la discrimination vers un respect actif du bilinguisme historique. Se basant sur une multitude de sources primaires et officielles, il explore l'évolution de la "politique du bilinguisme" mise en œuvre par les autorités cantonales (gouvernement, parlement, administration, tribunaux). Les changements intervenus dans le domaine de l'éducation, essentiels par rapport à la culture linguistique d'une région, sont mis en évidence tout au long de l'ouvrage. Bernhard Altermatt clôt son étude en examinant de près les questions actuelles de la politique fribourgeoise des langues: la territorialité des langues et l'enseignement par immersion. Il analyse les forces et les faiblesses d'un système politico-linguistique capable de maintenir la "paix des langues" tout en n'assurant guère la protection formelle des minorités autochtones. Il démontre que des résidus d'ethnocentrisme subsistent, démythifie la "germanisation", et analyse l'attitude de plus en plus favorable au bilinguisme historique manifestée par de nombreux Fribourgeois, francophones et germanophones.